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Foires et art de vivre, une association gagnante

Foires et terroirs n’ont-ils rien à voir ? Pas selon le salon bordelais BAD+ qui mêle le marché de l’art et l’art de vivre avec attention pour son édition 2023.

« L’art et la vie n’ont jamais été séparés, estime le commissaire d’exposition et directeur artistique Jérôme Sans. Ce sont deux choses qui n’en font qu’une ». Monomaniaque, le secteur culturel, celui du marché de l’art notamment, les a pourtant longtemps tenus à distance. « Trop souvent on cloisonne les choses, poursuit Jérôme Sans. Mais c’est comme vouloir enfermer de la fumée, c’est impossible et ce sont l’art et la culture qui font que la vie a un goût particulier ». Tout au long de sa carrière, le commissaire d’exposition s’est d’ailleurs appliqué à faire communiquer le monde de l’art avec celui de l’art de vivre.

Lorsqu’il cofonde le Palais de Tokyo avec Nicolas Bourriaud en 1999, Jérôme Sans veut en faire « un lieu de vie ». Ce n’est pas qu’un centre d’art, affirme-t-il. « On peut y aller pour d’autres choses » et y flâner, y lire, y prendre un café ou déjeuner…

   

Une plus grande perméabilité entre foires et terroirs

Dans le marché de l’art, cette porosité entre l’art et l’art de vivre est loin d’être une évidence. Pourtant, certaines foires s’appuient sur la richesse du terroir de la région dans laquelle elles se sont implantées pour créer des ponts entre ces deux domaines. « Lorsque je viens visiter la foire Artissima à Turin, j’en profite également pour visiter les galeries d’art et les appellations du Piémont », explique la propriétaire viticole bordelaise Caroline Teycheney. Et de continuer : « aujourd’hui, quand on s’intéresse à l’art, l’art de vivre fait partie de l’univers ». Même le vocabulaire est partagé, nous explique-t-elle : « quelque part, avec le vin, on écrit une nouvelle partition en fonction de ce que le végétal donne, comme le ferait un compositeur avec la musique ». En Espagne, c’est Minorque qui attire de plus en plus le monde de l’art. Hauser & Wirth y a créé un centre d’art en 2021, tandis que l’artiste Adel Abdessemed y restaure une ancienne ferme. À quelques kilomètres, Ibiza fait aussi parler d’elle depuis que la première édition de la foire Contemporary Art Now (CAN) s’y est déroulée l’été 2022. Ainsi, loin des white cubes aseptisés des grandes capitales, le monde de l’art semble souhaiter s’ancrer davantage dans un environnement et se rapprocher d’un modèle qui existe d’ores et déjà en Suisse – dans la station de Saint-Moritz – ou aux États- Unis où quelques galeries ont posé leurs valises dans les lieux de villégiatures de leurs clients, dans les Hamptons ou à Palm Beach.

  

Des partenariats fructueux

Haute responsable au sein d’une grande maison d’horlogerie, Caroline Teycheney a fini par reprendre l’activité familiale pour la convertir en bio et biodynamie, et ne cache ni son amour ni ses attaches avec l’art. « Ma mère avait une galerie à Bordeaux où elle organisait des vernissages tous les trimestres », raconte-t-elle. C’est tout naturellement que Caroline Teycheney a donc décidé de tisser des partenariats entre le château Fleur de Lisse et des acteurs et actrices du secteur culturel bordelais.

Dans le cadre de la foire BAD+, elle présentera plusieurs œuvres de l’artiste Barthélémy Toguo au sein du château tandis qu’à Martillac, le château Smith Haut Lafitte proposera un parcours à thème « L’art et la vigne » suivi d’une dégustation de vins, et qu’à Margaux, le château d’Arsac conviera à une visite du domaine et des œuvres d’art qui y sont disséminées. Réconciliant le marché de l’art et l’art de vivre, ces salons veulent montrer que « l’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art », comme l’affirmait Robert Filliou.